La bibliothécaire en colère

La jeune bibliothécaire avait coursé le professeur de littérature dans plusieurs couloirs de l'école. Elle l'avait suivi dans les salles de cours, les ateliers, le réfectoire et même dans les jardins et la forêt. Seulement, arrivée à l'extérieur, elle le perdit de vue et passa une heure à le chercher sans aucun succès. Ce prof commençait vraiment à l'agacer! Il allait avoir de ses nouvelles!

Finalement, lassée de le chercher partout, elle tenta une dernière fois de le retrouver. Elle se dirigea vers le studio du professeur Markovis en espérant qu'il s'y trouve. Sinon, elle garderait cela en mémoire pour la fois où elle lui tombera dessus. Et alors elle ne lui ferait pas de cadeau! Elle arriva devant la porte et tambourina fortement dessus. Puis elle tonitrua:

"- Ouvrez cette porte ou c'est moi qui l'ouvre!"

Tout de suite après avoir quitté la bibliothèque, le professeur Markovis s'était dirigé à diverses endroits de l'école, question d'éviter d'être suivi. Par la suite, il s'était rendu à son studio afin de comprendre la raison qui expliquait la présence de ce livre totalement incroyable.

Malheureusement, un bruit surgit de derrière sa porte, sentant à la panique que quelqu'un ne trouve le bouquin, il chercha une cachette et finalement, la meilleure qu'il trouva était celle du rebord de la fenêtre. Fait en tablette et passant d'une fenêtre à l'autre, ce serait l'endroit parfait pour qu'il soit caché. Il sortit donc en vitesse de sa poche du ruban gommé de sa poche pour coller le livre en-dessus tout en criant:

-Oui oui! J'arrive!

Finalement, il alla ouvrir la porte pour tomber nez à nez avec la technicienne-bibliothécaire qui semblait affreusement en colère. Bien sûr, il était plus inquiet par le fait qu'elle découvre le livre que par les conséquences de ses actes. Toutefois, à la vue de Carole, il se permit d'échapper un léger: «Oh...»

La bibliothécaire attendit plusieurs minutes devant la porte. Ces quelques minutes furent les minutes de trop. Plus elle attendait, plus les épices lui montaient au nez. Le prof' de l'autre côté de la porte prenait largement son temps pour venir lui ouvrir la porte. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire? D'après son expérience de roublard, elle imagina aisément que ce dernier cherchait à dissimuler le livre qu'il avait emprunté.

"- Oui, oui! j'arrive!"

Cela la conforta dans son hypothèse. Pourtant, elle en avait rien à faire de ce foutu bouquin! Tous ce qu'elle voulait, c'était l'enregistrer pour ne pas avoir elle-même des problèmes avec la Directrice. Décidément, Markovis était trop bizarre pour elle. Comme il ne daignait toujours pas l'ouvrir, elle sortit un tourne-vis plat de sa poche et s'apprêta à démonter la serrure. Au moment où elle allait donner le premier coup de poignée, la porte pivota enfin sur ses gonds. Ses yeux posèrent un regard noir sur le professeur de litterature qui laisa échapper un cri de stupeur. Il ne semblait pas s'attendre à la voir débarquer directement dans son studio.

Carole entra en coup de vent dans le studio en rangeant son outils et observa la pièce à la recherche du livre. Elle voulait simplement le noter sur le classeur qu'elle tenait sous son bras, mais ne le voyant pas, elle se rapprocha de son suspect.

"- Je peux voir le livre que vous avez dérobé dans la bibliothèque?" ordonna-t-elle sans sourcilier.

Au départ, Markovis préférait mentir à la technicienne mais, devant sa question franche, il comprit qu'elle ne cherchait qu'à faire son devoir. Cependant, ce livre représentait trop pour qu'il laisse des traces. Il dit donc:

«Écoutez, je peux prendre un arrangement? Je n'ai pas le livre dans le moment et je ne compte pas le faire enregistrer. Cependant, s'il y a un problème, je suis prêt à prendre tout le blame et même à m'expliquer à Miss Demoya sans soucis. Je suis même prêt à m'y rendre de ce pas pour tout lui avouer. Toutefois, je dois garder ce livre sans qu'il soit archivé, c'est très important.»

La bibliothécaire regarda le professeur, incrédule. Il cherchait à négocier alors qu'elle voulait seulement enregistrer le livre, elle ne voulait même pas savoir de quoi il parlait. Par contre, ce qu'elle n'appréciait pas, c'était qu'il essayait de la prendre pour une imbécile. Comme si elle allait croire que Markovis n'avait pas ce fichu livre sous la main! Elle-même avait déjà fraudé plusieurs fois et elle connaissait plusieurs combines pour dissimuler n'importe quoi. C'était la raison pour laquelle Carole tournait en rond dans le studio à la recherche des différentes cachettes susceptibles de contenir des livres. Elle jeta un coup d'oeil sous le lit et dans l'armoire, même derrière celle-ci. Elle ouvrit le four de la cuisine et glissa sa main sous l'évier de la salle de bain.

Pendant ce temps, le prof' débitait ses explications. Il avoua carrément qu'il ne voulait pas qu'il y ait une trace de son emprunt, et puis quoi encore?! Elle s'en fichait complètement que cela soit important ou pas! On lui avait donné des consignes strictes et personne ni échapperait, sans exception! Quand il termina de parler, elle était à deux doigts d'ouvrir la fenêtre, puis elle se retourna vivement pour faire face à son fraudeur.

"- J'en ai rien à foutre! Votre livre doit figurer sur mon classeur, même, si c'est important. D'ailleurs, je ne vois même pas en quoi un de leurs bouquins peut être important! Si ce qui vous intéresse, c'est la discrétion, il n'y a que moi qui peut ouvrir le classeur des emprunts et personne d'autres. Alors montrez-moi ce satané livre, qu'on en finisse!"

Carole dévisageait Markovis d'un regard noir et elle était sur le point d'exploser.

Comme toujours, le professeur réagit d'une façon tout à fait désordonnée en étant plutôt amusé par la situation. Il voyait la technicienne tourner en rond dans la salle à la recherche du livre et cela l'amusait. Son esprit tourna alors vers un drôle de sujet: combien de temps cela prendrait-il à la technicienne pour trouver le livre? Il se permit donc de prolonger le jeu en disant:

-Mais allons donc! Ce ne serait plus drôle si je vous disais où je l'ai caché! Surtout, ne fouillez pas dans le fauteuil, le livre ne s'y trouve pas!

Il ne put s'en empêcher, il se mit à rire en pensant à la réaction de la technicienne. Son étrange coup de recherche virait maintenant à la blague et il aimait bien cela. De toute façon, Carole ne pourrait pas faire grand chose contre lui...

Non seulement le professeur lui cachait un livre et essayait d'éviter une sanction quelconque, mais en plus il s'amusait de la situation. La bibliothécaire le trouvait déjà bizarre, mais là, il était complètement fou pour elle. Elle commençait à se demander si elle ne devra pas rejoindre l'hôpital psychiatrique le plus proche avec Markovis à son bord. Mais surtout, il se moquait carrément d'elle. Déjà qu'elle n'avait pas un excellente humeur, les fusibles qui retenaient sa rage fondirent aussitôt.

Elle cessa ses recherches et s'approcha du prof' à pas lourd. Elle le fixa d'un regard noir et méprisant, puis elle le saisit violemment par le col pour lui aboyer:

"- Écoutez-moi bien! Si je trouve ce livre moi-même, vous n'aurez plus jamais l'occasion de le lire de toute votre vie. Même si je dois le brûler sous vos yeux!"

Elle relâcha sa prise et glissa la main dans une des poches de son blouson en cuir rouge pour en sortir un briquet. Elle l'actionna et fit défiler la flamme devant les yeux du professeur.

"- C'est à vous de choisir."

À cette dernière menace, le professeur éclata de rire.

Il savait très bien que c'était du bluff et ce détail le faisait rire. Non seulement il savait qu'il gagnerait son pari avec lui-même et qui plus est, il pourrait jouer un petit tour à la bibliothécaire. Il lui répondit donc ce qu'il en pensait franchement, bien qu'il ne pouvait s'empêcher de sourire:

«C'est la pire menace que j'ai vue! Même la vampire de mon cours était meilleure que ça et pourtant, ce n'était pas une menace! Non mais, si tu brules le livre, ça ne t'avance à rien... et ça te nuis tout autant qu'à moi. Vu l'âge que doit avoir ce bouquin, ce serait comme sacrifier une œuvre d'une grande valeur... et Clémentine risque de ne pas être contente du résultat. Alors maintenant, j'aimerais être seul, je dois travailler. Je passerai le faire enregistrer tout à l'heure.»

En repensant à tout cela, Martin eut encore un léger rire.

Alors le professeur ne la prenait pas du tout au sérieux, et commença même à lui faire la moral! Il ne semblait pas la connaître, ni même savoir jusqu'où elle pouvait aller pour assouvir sa vengeance. Il allait donc l'apprendre à ses dépends, la technicienne pouvait montrer une très grand ingéniosité pour ce genre d'activité, autant que pour ses bricolages. De plus, elle ne croyait pas un mot aux paroles qu'il lui disait. Sans parler des œuvres de grandes valeurs qu'elle noierait dans la Manche sans hésiter. Plus de livres, plus de bibliothèque; et donc, plus de bibliothécaire et elle pourra enfin réaliser des choses intéressantes plutôt que de prendre racine dans un bureau. Il finit par ranger son briquet et à tourner le dos à Markovis pour reprendre ses recherches, elle brûlait d'envie de mettre le feu à quelque chose.

Carole avait oublié où elle en était avant d'être interrompu par cet abruti. Elle jeta un regard circulaire dans le studio et ses yeux tombèrent sur la fenêtre. Voilà ce qu'elle comptait faire il n'y avait même pas cinq minutes. Elle l'ouvrit sans aucune discrétion et commença à tâtonner le mur à l'extérieur. Ses mains rencontrèrent une matière qui n'avait rien à voir avec les pierres ou le bois utilisés pour la construction du manoir. Cela ressemblait plus à du plastique et elle reconnu la texture du ruban gommé, qu'elle utilisait parfois. Il y avait également un autre matériau, qui était sans aucun doute du cuir. Elle venait enfin de découvrir la cachette de ce foutu livre! Serait-ce son instinct qui le guida jusqu'à la fenêtre? Probablement, vu l'expérience qu'elle avait des magouilles en tout genre; mais elle savait que la chance y était pour beaucoup.

Néanmoins, au lieu d'arracher le livre à son support et le brûler comme elle le souhaitait, une autre idée lui passa par la tête. Une idée, extrêmement sournoise, qui devrait lui permettre de se venger sans avoir le moindre problème. Si tous se passait bien, ce déstabilisé mental devrait en prendre plein la gueule. Elle se mit alors à inspecter les volets pendant quelques minutes, puis, toujours en les examinant, elle retira, rapidement et discrètement, le livre et le laissa tomber dehors. Avant que sa chute ne se termine, elle referma les volets violemment, hors d'elle-même. Elle se retourna vers le professeur, les yeux emplis de fureur. Elle récupéra son classeur et se dirigea à pas lourd vers la sortie. Quand elle arriva au niveau du prof', elle lui murmura:

"- Vous avez de la chance que j'ai du boulot moi aussi, et que j'ai pas que ça foutre! Alors si vous n'êtes pas à la bibliothèque dans l'heure qui suit, je reviens vous chercher...avec de quoi vous faire parler..."

Puis elle quitta le studio en claquant la porte sans aucune retenue. Carole prit alors la direction de l'extérieur pour aller récupérer le livre qu'elle venait de jeter par-dessus bord, en s'assurant bien-sûr que Markovis ne la surprenne pas de la fenêtre de sa chambre.

([HRP] Désolé de terminer ce RP abruptement, mais on devrait avoir l'occasion de faire une suite intéressante à cette situation. [HRP])

Une fois Carole partit, le professeur Markovis alla voir si le livre était toujours là. Cependant, le bouquin avait disparu. Puisqu'il n'avait pas vu Carole partir avec, il comprit qu'elle l'avait lancé en bas de la fenêtre.

Ce petit détail le fit alors sourire. Cette femme à tout faire n'était pas aussi bête qu'il le pensait. Il se remit alors à penser à ses années d'école alors qu'un sourire sadique apparaissait sur ses lèvres. Il irait voir si le livre était dans le jardin et si ce n'était pas le cas, la guerre serait déclarée.

«Peu importe, je vaincrais. Elle ne sait pas à qui elle a affaire...»

Le professeur, tout en allant au jardin eut alors une idée qu'il trouvait bien drôle. Si elle aime bricoler, c'est tant mieux, elle va bricoler longtemps...

([HRP]Markovis peut être sournois aussi .[HRP])