Le débarquement des Humains

Une épaisse brume s'était levée depuis ce matin, et on y voyait pas à 10 mètres. La mer était très houleuse, atteignant des creux de plus de 3 mètres. Et pour couronner le tout, la pluie s'était abattue sur la Manche. On percevait seulement le bruit tonitruant des machines et les vociférations de Carole.

"- Bordel de merde! Elle commence bien cette rentrée!" râla-t-elle.

La barre en main, elle se trouvait dans la cabine de pilotage du Tempêtueux, un vieux rafiot que l'Ecole David Demoya lui avait fourni. Alors que les vacances approchaient, la Directrice était venue la voir pour lui parler de cette nouvelle fonction. Le manoir se situant sur une île, elle avait besoin de quelqu'un pour effectuer la navette entre l'île et le continent, et ramener ainsi les marchandises et les pensionnaires de l'Ecole. Elle avait donc passé une partie des vacances à obtenir le permis de conduire les bateaux à moteur, qu'elle passa avec succès puisqu'elle connaissait déjà bien la mer. Ensuite, il avait fallu se procurer un bateau. Ils avaient déniché une coquille de noix d'une vingtaine de mètres de long: une épave qui flottait encore. Lenoir l'avait réparé pour le remettre au norme et équipé d'un matériel plus moderne. Pour finir, elle l'avait baptisé le Tempêtueux, il s'agissait du nom du cargo sur lequel ses parents avaient disparu. Au début, elle avait une certaine appréhension de prendre la mer, craignant de connaître le même sort que sa famille, mais elle comptait reprendre le chemin de son père disparu et elle largua donc les amarres.

Gratifiée du titre de Capitaine, elle embarqua les membres Humains du manoir à Carentan. Elle avait longé le canal pour rejoindre la Manche et se retrouver englobée dans cette satanée brume. Elle envoyait un son long à la corne de brume toutes les deux minutes pour signaler sa présence aux autres navires. Et bien-sûr, elle avait réduit considérablement sa vitesse et ils atteindraient pas l'île avant une heure de navigation. Carole jeta un coup d'oeil à ses passagers qui revenaient de vacances.

Pour elle, ses vacances avaient été mouvementées. Après s'être occupé du bateau, elle avait supervisé les travaux dont le manoir avait bénéficié. Des salles avaient été rasé et d'autres construites. Les locaux avait été remis à neuf et les équipements changés. Les pensionnaires n'allaient pas reconnaître l'Ecole quand ils prendront pieds sur l'île. La technicienne de maintenance avait couru de chantier en chantier pour s'assurer que le travail était bien fait et n'hésitait pas donner un coup de main aux ouvriers pour aller plus vite. En bref, elle n'eut pas le loisir de se reposer.

Le soleil parvint enfin à traverser l'épais brouillard qui commença à se dissiper. La Capitaine poussa ses moteurs et accéléra l'allure. A une dizaine de milles, la silhouette de l'île se dessinait à travers le rideau de pluie qui tombait toujours. Les passagers s'était réfugiés dans la cabine juste en-dessous de la navigatrice. Elle leur annonça grâce à un interphone qu'elle avait installé:

"- Débarquement dans trente minutes."

Une voix se fit entendre un peu plus loin sur le bateau:

«Débarquement dans 30 minutes!»

Le nez collé à son livre, Martin s'en foutait éperdument. Ses histoires de chevaliers sauvant des princesses l'intéressaient bien plus que la vue de la mer brumeuse - et c'est sans compter de penser à l'état du vieux rafiot qui emmenait toute la bande - arrivant das un bout de son livre qu'il trouvait plutôt long, le nouveau professeur de littérature regarde autour de lui et fût surpris de ne trouver que des humains et pas de créatures fantastique ou de licorne.

Heureusement, jusqu'à date, personne ne venait le voir et lui demander son nom, ce qu'il faisait là et tout le blabla de sa petite vie qui intéresse tellement les gens normaux. Il préférait lire son livre de poche et rester anonyme, le petit blabla du genre la température d'aujourd'hui ne l'intéressait pas, ni même tous les gens qui étaient dans le bateau. De toute façon, il ne cherchait pas un ami puisqu'il avait Daëphos, son diablotin farceur qui était son grand ami d'enfance. Martin préférait ne pas lui parler puisque personne ne voit Daëphos donc il passerait pour un fou se parlant à lui-même. Préférant rester seul dans son coin, il continua de lire son livre sans jamais croiser le regard de ceux qui passaient prêt de lui et il ne répondit à aucune question.

Juliet entendit l'annonce de Carole, un léger sourire se dessina sur son visage. Elle se sentait un peu seule sur ce rafiot qui tanguait un peu, beaucoup.
Non pas qu'elle avait le mal de mer, mais elle était préssée de revoir ses anciennes colocataires de chambre : Melhünn et Esyrla.
Elle était repartie dans son petit village breton pendant les vacances, contente de retrouver ses parents adoptifs, elle avait trouvé le temps longs, n'ayant rien d'autre à faire que de se balader dans la forêt ou jouer de la lyre.
Et puis, les livres sur Terre étaient bien moins passionnants que ceux de l'Ecole. Mais bon, elle s'en était contentée jusque là, alors dévorer encore et encore l'histoire du roi Marc'h et de ses oreilles de cheval ne la dérangeait pas plus que ça.
Elle remarqua quelqu'un d'autre, assis dans un coin, le nez dans un bouquin. Il avait l'air à peu près aussi sociable qu'elle.
Elle soupira et reporta son attention sur les quelques feuilles de papier qu'elle avait à la main, elle essayait, depuis qu'ils avaient appareillé, d'écrire un petit quelque chose, en vain, l'inspiration ne lui venait pas. Aussi rangea-t-elle ses feuillets et s'appuya contre le mur, elle n'avait aucune envie de monter sur le pont : elle avait assez vu la mer pendant les vacances.
Juliet décida qu'elle bougerait au dernier moment.

"- Mais c'est pas vrai!" s'exclama-t-elle.

Le Capitaine Carole Lenoir avait le nez collé contre les hublots de sa cabine de pilotage. La brume s'était dissipée, c'était une bonne nouvelle, mais la pluie s'était renforcée, passant de l'état de crachin à celui d'averse soutenue. Elle voyait à peine l'île se dessinait derrière ce rideau aqueux. Et comme si cela ne suffisait pas, le vent soufflait désormais beaucoup plus fort et les vagues atteignaient les 5 ou 6 mètres de haut, encore plus haut que le tirant d'air du Tempétueux. La manœuvre d'accostage n'allait pas être de tout repos, surtout qu'elle devait l'effectuer seule.

Elle ralluma l'interphone:

"- Finalement, ça va être plus long que prévu...Attention à la vague!"

En effet, une série de hautes vagues avançait droit vers la proue de l'embarcation. Ce dernier grimpait aisément l'obstacle, ces moteurs ayant été modifiés par son commandant de bord, mais alors qu'il descendait de l'autre côté, la vague suivante le frappa de plein fouet. Le bateau entier fut recouvert par les eaux et ressurgit pour affronter une nouvelle vague. Carole savait que ses passagers étaient à l'abri, tout comme elle, mais leurs hublots avaient dû être aussi occultés que les siens et ne distinguaient plus rien du tout. Seulement, malgré les machines qui tournaient à plein régime pour garder le navire à flot, la vitesse était énormément réduite. Sans parler de ces vagues qui donnaient un air de montagnes russes à cette traversée.

"- J'espère qu'ils n'ont pas le mal de mer en bas." pensa-t-elle avec crainte.

-"Finalement ça va être plus long que prévu... Attention à la vague!"

À cette phrase, l'idée que le rafiot puisse couler effleura l'esprit de Martin. Comme toujours, il ne s'en fit pas avec cela - même si de l'eau entrait par une légère fente dans le bas d'un hublot - puisqu'il savait qu'il n'y avait certainement aucun danger, Daëphos lui en ayant assuré. Tout à coup, une gouttelette tomba sur son livre et poussa un juron, détestant par dessus tout abimer ses livres. Voulant éviter la catastrophe, il décida de ranger son bouquin dans sa poche cependant, en le rangeait, il accrocha un objet dissimulé dans sa poche qui provoqua un léger tintement métallique alors que Martin ôtait rapidement sa main de sa poche tout en laissant échapper à la fois son livre et un léger crie de douleur.

Il se mit alors à pester:

«Combien de fois je t'ai dit de ne pas toucher les objets dans ma poche! Regarde ce que tu m'as fait!»

Ensuite, Martin ramassa rapidement son livre qui était tombé dans une flaque d'eau en s'écriant:

«Ah bah voilà! En plus tu viens de me briser mon livre, j'espère que tu es content!»

En ramassant son livre, un liquide rouge tomba de la main de Martin et colora légèrement l'eau. Malheureusement, le phénomène ne dura que quelques instants, la main en question allant se cacher très vite dans la mystérieuse poche. Finalement, le jeune homme remarqua la jeune fille, semblant quelque peu intriguée devant son comportement. Martin porta donc son autre main dans une autre poche et en sortit une paire de lunette qu'il se mit sur le nez, avant de dire à la jeune fille, tout en ayant un regard fuyant:

«Ah euh... désolé. C'est mon compagnon, il aime bien jouer des tours et parfois ils sont de mauvais goût. Enfin bref, désolé de cette situation particulière, je me suis... pas très à l'aise avec les autres. Sinon, moi c'est Martin... Martin Markovis, on se connait, non?»

Juliet avait observé le manège de l'homme dans son coin, il semblait un peu bizarre. Elle esquissa un sourire devant sa maladresse. L'annonce de de Carole l'avait un peu stressée, elle espérait que ce n'était pas un gros problème, sinon ils étaient bons pour plonger dans l'eau, vu le rafiot.
Elle serra un peu le pendentif qu'elle avait autour du cou, dans une prière silencieuse, elle n'avait pas peur de la mer, mais elle préferait rester au sec.
Elle vit que l'homme en face d'elle s'était blessé, elle haussa un sourci d'étonnement.

«Ah euh... désolé. C'est mon compagnon, il aime bien jouer des tours et parfois ils sont de mauvais goût. Enfin bref, désolé de cette situation particulière, je me suis... pas très à l'aise avec les autres. Sinon, moi c'est Martin... Martin Markovis, on se connait, non?»

Juliet eu un sourire avant de répondre :

"Je ne crois pas vous avoir déjà vu. Moi c'est Juliet Konayuki. Je suis assez timide moi aussi. Où est votre compagnon ? Je ne le vois pas..."

C'est vrai qu'elle avait beau regarder autour d'elle, elle ne voyait pas âme qui vive en dehors d'eux deux.

Carole se croyait au beau milieu du Cap Horn, même si elle savait que ce célèbre cap était beaucoup plus dangereux qu'un peu de pluie et de vent sur la Manche. Alors qu'elle tenait la barre à pleines mains pour que son rafiot garde le cap, elle entendit un cri de douleur étouffé.

"- Bordel! J'espère qu'ils ne se sont pas trop fait mal!" s'écria-t-elle.

Elle voulait descendre voir ce qu'il s'était passé, mais une énorme masse sombre s'éleva droit devant, derrière le rideau de pluie. Le capitaine fit pivoter la barre sur bâbord en lui donnant un gros élan et le navire vira de bord de justesse pour éviter un rocher. Le bateau prit alors une sérieuse gîte vers tribord et elle redressa rapidement la barre pour éviter qu'une vague fasse les fasse chavirer.

Au lieu de mettre une demi-heure pour rejoindre le ponton comme elle l'avait espéré, il leur avait fallu plus d'une heure pour couvrir la distance. Quelques dizaines de mètres au-delà du rocher, le Tempétueux pénétra enfin dans la crique, les vagues et le vent y étaient nettement moins forts. Lenoir s'approcha prudemment du quai et le navire le longea tranquillement jusqu'à ce qu'elle mit les machines en arrière pour briser l'erre. Quand le navire fut relativement immobile, elle descendit dans la cabine où se trouvaient ses passagers, et, sans leur adresser ni une parole, ni un regard, elle ouvrit l'écoutille qui donnait sur le pont. Une vague, plus haute que les autres, s'effondra sur le pont et inonda l'intérieur. La jeune rousse se retrouva trempée avant de mettre un pied dehors.

"- Mais merde!!!" râla-t-elle.

Elle sortit sous la pluie et partit vers la proue. Elle s'agenouilla pour ramasser un cordage et réalisa rapidement un nœud de chaise. Et, telle une cow-girl, elle envoya le tout sur un des bollard en bois. Puis, elle tendit cette corde à l'aide d'un treuil électrique. Puis elle effectua la même opération à la poupe. Le Tempétueux était désormais à quai. Le capitaine remonta dans la cabine de pilotage pour couper les moteurs et récupérer quelques affaires.

Carole descendit une nouvelle fois et cette fois, parla à ses passagers. Elle semblait afficher un sourire qui ne voulait pas sortir. Elle essayait de suivre le conseil de Demoya, mais ça ne donnait rien pour le moment.

"- On est arrivé, on débarque! Et protégez vos affaires, il pleut toujours autant."

Elle se dirigea vers la coupée et sauta sur le ponton. Elle attendit ensuite que les autres en fassent autant, en les aidant éventuellement pour leurs bagages.

"- Et maintenant, cap sur le manoir, et vite!" ordonna-t-elle.

La technicienne de maintenance commençait à en avoir ras-le-bol de cette pluie. Elle avait pris une partie des affaires de la gamine pour qu'elle puisse les suivre.