Le jour de passer à l'acte venait enfin d'arriver. Carole avait fait preuve d'une extrême patience pour mettre son plan en œuvre, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Son premier coup serait décisif et elle ne voulait pas du tout le rater seulement parce qu'elle aurait agi trop vite. Ainsi, elle avait paru préoccupé durant ces quelques jours. Le professeur de littérature ne l'avait pas prise au sérieux le jour où elle était venue lui réclamer ce maudit bouquin, et bien il allait en accepter les conséquences. La rouquine était devenue une experte dans l'art de la vengeance et elle était suffisamment déterminée pour aller jusqu'au bout de sa rancune, même si elle devait martyriser Markovis pendant des mois. En fait, elle avait prévu plusieurs stratagèmes pour y parvenir...
Après s'être assurée que le professeur de littérature était occupé avec ses élèves dans la salle de cours, elle se faufila discrètement vers le local électrique, auquel elle avait accès, et rien qu'elle. Elle ouvrit une des armoires électriques et, dissimulé au milieu des appareillages électriques et des fils de cuivre, elle extirpa le livre tant convoité par le professeur. Elle se dirigea ensuite vers le studio de sa cible. Une fois devant la porte, elle tenta de tourner la poignée. Comme elle s'y attendait, elle était verrouillée. Elle sortit de son blouson en cuir rouge quelques uns de ses outils et entreprit de crocheter la serrure. Cela ne lui prit que quelques minutes, c'était devenu un exercice facile. Elle pénétra dans la pièce en refermant derrière elle et mit les pieds dans la cuisine. Elle alluma doucement le gaz du four afin que l'odeur se répande dans le studio. Puis elle sortit son briquet et enflamma les pages du livre, sans aucun état d'âme. Elle laissa les cendres tombaient un peu partout dans la cuisine, puis sur le four et jeta les restes du livre qui brûlait encore à l'intérieur. Elle ferma le gaz et retourna dans le couloir. Elle manipula une nouvelle fois ces outils et la porte se referma comme si de rien n'était. Elle avait travaillé d'une manière d'experte, il n'y avait aucune trace apparente sur la serrure ou la porte.
Satisfaite, elle marcha tranquillement vers la bibliothèque. Elle avait réalisé le plus facile, maintenant, elle devait jouer le jeu pour convaincre la Directrice. C'était plus facile à dire qu'à faire, mais rien ne l'avait empêché de mettre toutes les chances de son côté. Elle prit le classeur des enregistrements et l'ouvrit à une page bien précise. Elle avait bien marqué le titre du livre et le nom de l'emprunteur à une date assez éloignée, plusieurs autres enregistrements avaient eu lieu par la suite. Cela rendra son histoire encore plus crédible. Elle prit ensuite la direction du bureau de sa patronne. Elle risquait gros à cause de cette magouille, mais elle n'allait pas se laisser marcher sur les pieds par un prof' complètement taré! Son cœur s'emballa et l'adrénaline se diffusa dans son corps quand elle aperçut la porte au fond du secrétariat. Elle respira un grand coup, après tout, il lui suffisait de se comporter comme elle l'aurait fait en réalité. La bibliothécaire tambourina sur la porte et l'ouvrit sans même attendre de réponse. Puis elle la claqua derrière elle. Elle paraissait aussi furieuse qu'à son habitude, les sourcils froncés et le regard haineux. Néanmoins, elle hésita un peu quand elle se rendit compte que Markovis était présent lui aussi, ensuite, elle joua sa comédie. Maintenant qu'elle était là, elle ne pouvait plus revenir en arrière et sa présence ferait accélérer les choses. Elle le fixa avec un regard noir avant de lui lancer:
"- Ben vous tombez bien, vous!"
Elle se tourna vers Demoya et déballa son discours:
"- Mademoiselle, ça fait plusieurs jours que je demande à Markovis de restituer le livre qu'il a emprunté depuis pas mal de temps et il ne l'a toujours pas fait! Il y a une durée limitée sur les emprunts et je ne vois pas pourquoi il échapperait à la règle! Alors je voulais savoir si je devais aller le chercher moi-même ou si vous vous en chargiez?"
Elle n'avait pas encore montré son classeur comme preuve, il interviendrait seulement si le prof' mettait sa parole en doute, ou si la directrice semblait sceptique.