Entretien avec Mellhünn Eldunari

Mell venait de lire l'annonce de la psychologue scolaire qui ordonnait à tous les membres de l'Ecole de se rendre à son bureau pour un entretien particulier. La monomorphe bélier n'affectionnait pas particulièrement ce genre d'entretien, mais puisqu'elle y était obligée, il fallait bien qu'elle s'y soumette...
Elle longea le long couloir, passa devant l'infirmerie et arriva enfin devant la porte du bureau de Kalimina Deorth, indiqué par une pancarte. En dessous, une autre inscription disait :

[center]Frapper avant d'entrer.
Ne pas dérager lors des séances,
sauf extrême urgence.
[/center

Mell déglutit puis frappa trois coups discrets à la porte.

Kali, plongée dans la lecture de quelques dossiers d'élèves, fut surprise par le perception de trois coups discrets à la porte de son bureau. Elle rangea rapidement ses feuilles en veillant à ne pas les mélanger puis avança à pas lents vers la porte. Elle l'ouvrit, tremblante d'hésitation, et découvrit le visage de la monomorphe bélier qu'elle avait déjà croisé dans l'Ecole. Rassurée, elle sourit à l'élève et lui indiqua d'entrer. La psychologue retourna à son bureau et demanda :

- Tu es bien Mellhünn, c'est ça ? Je crois que j'ai déjà parcouru ton dossier.

Elle fixa l'élève puis attendit une réponse.

Mell vit le visage de la belle elfe surgir de derrière la porte, qu'elle avait ouvert avec un enthousiasme certain. Elle lui sourit et l'invita à entrer. La jeune monomorphe bélier découvrit alors une vaste pièce, dominée par quelques fauteuils à l'air confortable et un gigantesque divan. Le simple bureau qui occupait le coin de droite paraissait ridicule à côté de lui.
La jeune fille avança vers l'un des fauteuils et sentit sous ses pieds la douce moquette qui recouvrait le parquet.

"Au moins c'est accueillant, à défaut d'être déstressant..." se dit Mell.

En effet, elle était de plus en plus tendue, elle qui n'avait vu qu'une unique fois un psychologue, lorsque sa mère était morte. Mais semblant lire dans ses pensées, Kalimina, qui était retournée s'asseoir à son bureau, lui demanda d'un ton chaleureux :

- Tu es bien Mellhünn, c'est ça ? Je crois que j'ai déjà parcouru ton dossier.

Puis elle se mit à l'observer en silence en attendant sa réponse. La jeune monomorphe balbutia un peu avant de réussir à articuler une réponse cohérente :

- Heu.. je... je... Oui c'est bien moi ! répondit-elle anxieusement.

Kalimina avait bien remarqué l'observation de la pièce par l'élève. Puis la jeune monomorphe confirma son prénom par des paroles bien trébuchantes. La psychologue cocha la bonne case puis avança à nouveau vers l'élève.

- Je t'en prie, Mellhünn, assis-toi. Dis-moi, tu m'as l'air bien stressée. Tu veux que j'ouvre la fenêtre ou que je te donne un verre d'eau. Nous pouvons faire cet entretien ailleurs si tu le souhaite. L'essentiel est que tu te sente bien. Alors ?

Kali sourit chaleureusement à la monomorphe, pour l'apaiser un peu. Elle tourna la tête vers la fenêtre sur le rebord, son chat Malice dormait. La respiration calme de l'animal soulevait à un rythme régulier son diaphragme. Ses oreilles se secouait parfois et ses fines moustaches remuaient doucement. L'elfe reconcentra alors son regard sur Mellhünn.

- Sinon, avant que tu n'arrives à L'Ecole, comment ça se passait ?

Mell voyait bien que Kalimina faisait tout pour qu'elle se sente bien, allant même jusqu'à lui proposer d'aller faire l'entretien ailleurs. Bien que cette idée plu grandement à la jeune monomorphe, qui s'imaginait déjà assise sur la cime du plus haut arbre de la forêt (un chêne centenaire d'où on pouvait admirer toute l'île et où elle adorait venir pour s'y détendre ou lorsqu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle souhaitait être seule), elle n'en fit rien et demanda simplement à ouvrir la fenêtre.

Puis la psychologue commença son interrogatoire :

- Sinon, avant que tu n'arrives à L'Ecole, comment ça se passait ?

Après un instant de réflexion, Mell répondit d'une voix déjà un peu plus assurée :

-Heu... Bien. Je vivais avec mon père à Dragonna près des forêts d'Emeraudes. Il est forgeron là-bas...

(HPR : j'ai fait exprès de passer sous silence la mort de la mère de Mell, je préférerais qu'elle soit surprise qu'on lui en parle )

Comme le demanda la jeune monomorphe, Kalimina alla ouvrir la fenêtre. Une brise légère vint caresser ses joues. Elle ferma les yeux un instant et respira l'air frais en grande bouffées. Un parfum fleuri chatouilla ses narines. Elle écouta avec attention la réponse de Mellhünn, qui lui parla de son père.

- Forgeron, quel beau métier ! Je me rappelle avoir fricoté avec un forgeron elfe il y de cela une bonne centaine d'années. J'étais encore toute jeune à l'époque et je m'amusais.

Soudain, elle réalisa ce qu'elle venait de dire et rougit :

- Oups ! Me voilà à prendre le mauvais rôle. Oublie ce que je viens de dire, petite.

La psychologue se reconcentra et demanda :

- Et ta mère, qu'advient-il d'elle ?

Mell devint aussi rouge qu'une tomate lorsque Kalimina se mit à divaguer à propos de ses aventures de jeunesses. S'il y avait bien un mot qui qualifiait Kalimina, c'était bien "imprévisible" tant ses conversations pouvaient totalement changer de sujet en tour de main !
Puis elle sembla recouvrer son sérieux :

- Et ta mère, qu'advient-il d'elle ?

Cette question fit l'effet d'une douche froide à la jeune monomorphe, et son teint passa du rouge au blanc.

-Ma... ma mère..., begaya-t-elle.

Elle ne parlait jamais de sa mère. Pas même avec son père. A vrai dire, c'était la question qu'elle redoutait le plus depuis le début de l'entretien.

Le fait que sa mère soit morte alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille attenuait un peu les choses, mais ça ne pesait rien dans la balance. Non, le fait qu'Isabelle Eldunari soit morte en voulant la sauver des griffes des drows écrasait cette broutille. Son père en avait été annéanti. Pendant des années, il avait gardé le silence sur le triste sort de sa femme, malgré les questions pressantes de sa fille. Puis, lorsqu'arriva le dixième anniversaire de Mellhünn, il s'était enfin décidé à lever le voile. La jeune fille n'avait d'abord pas compris, n'avait pas voulu comprendre. Non, ça lui parraissait si peu probable que ça ne pouvait pas être vrai. Puis la vérité s'était imposée à ses yeux. Elle avait mit des jours entier, des mois à accepter cette horrible vérité. Elle s'était même sentie indigne de ce sacrifice. Elle aurait préféré mourir à sa place plutôt que d'avoir à subir son absence. Mais elle avait fini par se résigner. Elle avait enterré sa douleur, là, quelque part, au plus profond de son coeur.

Aussi, Mell hésitait-elle à répondre à Kalimina. Elle ne saurait par où commencer pour lui expliquer, n'en avait seulement pas envie.
Son regard exprimait toute sa tristesse oubliée en train de se raviver. Elle leva la tête vers la psychologue. Et fondit en larmes.