Entretien avec Martin Markovis

Un des pires cauchemars de Martin venait de se réaliser: une rencontre avec la psy. Dans sa vie, dû à ses manières de penser peu orthodoxes, il lui était souvent arrivé de se retrouver chez des psychologues et c'est de peine et de misère qu'il avait évité l'asile. Le fait de visiter encore un bureau de psy était donc presque au-dessus de ses forces. Il se doutait qu'il y aurait encore quelqu'un pour lui torturer, le descendre face à la ''normalité'' et lui dire qu'il était totalement dérangé et ensuite lui prescrire des pilules, des drogues et divers calmants. Heureusement pour lui, il avait trainé ce dont il avait besoin en cas de problème. Il n'avait encore jamais utilisé l'outil dans sa poche pour ce qu'il s'apprêtait à faire, si tel besoin en était, mais il savait s'en servir et ça le rassurait. Ensuite? Bah, il ferait ce qu'il pourrait. De toute façon, il se doutait que son trop beau séjour s'achevait.

C'est donc sur ces réflexions que Martin entra sans frapper dans le bureau et s'assoie sur le fauteuil. Une fois assit, Martin ne montra qu'un regard vide, affichant une certaine haine alors qu'il s'enfermait dans un mutisme complet. Daëphus, de son côté, soufflait des mots à la fois encourageant pour Martin mais désobligeant envers la psy.

Traqué, c'était le mot qui résumait comment Martin se sentait.

Kalimina vit et entendit entrer un enseignant. D'après ses souvenirs, il s'agissait du professeur de littérature Martin Markovis, qu'elle avait un peu remarqué à l'auditorium pour certaines paroles incohérentes ou enigmatiques, cela dépend du point de vue. Sans bouger de derrirèe son bureau, d'où elle avait écarté la vilaine chaise pour rester debout.

- Bonjour, monsieur Markovis ! Vous ne semblez pas ravi d'être ici. Qu'attendez-vous donc de cet entretien ? A votre avis, quel en sera la conclusion ? Commençons donc par savoir ce qui ne vous plait pas ici.

L'elfe n'avait pas l'intention de se laisser prendre à tout genre de réprobation face à un psychologue. Elle, au moins, n'était pas comme les autres, elle savait manier l'art de la voyance et de l'oniromancie.

D'un coup, Malice surgit de nul part, sauta sur le bureau de Kali, courba le dos, se hérissa les poils et fixa Martin d'un air menaçant. Le chat sauvage pouvait devenir très susceptible quand quelqu'un ne lui plaisait pas.

Lorsque Malice lanca son avertissement, Martin ne fit rien. À la limite, il savait qu'il passerait un mauvais quart d'heure ou bine que ce serait la mort qui l'attendait mais il s'en fichait. Il se sentait piégé et savait que peu importe ce qu'il ferait, la situation ne serait jamais à son avantage. Il écouta donc ce qui lui semblait être sa petite voix intérieur et dit tout simplement:

«Écoutez-moi. J'ai vu de nombreux psychologues et ces rencontres ont mal tournées, on m'a toujours vu comme un fou ou un marginal qui serait bon à enfermer. J'en ai donc assez de toutes ces entrevues inutiles et je ne souhaite qu'une chose, partir. C'est tout ce que je demande... et croyez moi, c'est la meilleure option possible.»

Kalimina prit son chat sauvage par la peau du cou et l'envoya valdinguer sur un fauteuil. Celui-ci lui adressa un regard rageur mais l'elfe ne s'en préoccupa aucunement. Le professeur venu pour l'entretien paraissait bien mal à l'aise dans ce bureau sombre et avoua que ces précédentes rencontres avec des psychologues s'était mal passé. Il lui dit aussi qu'il voulait partir. Kali leva un instant le menton pour réfléchir puis fixa à nouveau le professeur :

- Monsieur Markovis, si vous souhaitez réelement partir, alors faite-le, je ne vous en empêcherais pas du tout. Cette entretien consistait simplement à ce que je me fasse un avis sur votre personne. Néanmoins, si vous me le permettez, j'aimerais connaître la raison pour laquelle on vous a prit pour un fou. M'accorderiez-vous une réponse ?

La psy' n'avait l'habitude d'obliger les gens à lui livrer tous leur secrets, alors elle ne ferait pas d'exeption non plus dans cette école. Elle laissait les gens libres de leur choix. Sauf quand c'en devenait dangereux, bien évidemment.

S'attendait à être forcé de livrer tous ses secrets, Martin ne s'attendait vraiment à être libre de faire ce qu'il voulait. Il prit donc son souffle pour répondre au mieux de ses connaissances mais exactement à ce moment, un petit bruit le dérangea et il décida de changer complètement sa phrase pour:

«Ah euh... désolé... je dois y aller. Du travail... vous comprenez? J'ai beaucoup de devoir à corriger. Je repasserai plus tard, si j'ai le temps... désolé.»

Est-ce que c'était lui ou la salle rapetissant? Il devait sortir et vite. Non pas qu'il était claustrophobe, mais il avait l'impression que la salle allait s'effondrer sur lui. Il avait donc trouver la première chose qui lui avait passé par la tête pour excuser sa sortie hâtive. Il savait que sa réponse n'était vraie, et il souhaitait bien que la psy s'en rende compte. Pour l'instant, il lui important de sortir, il sortit donc du bureau en faisant semblant que tout était normal puis, en dehors du bureau, il s'enfuit à toutes jambes.

Kalimina fixait Martin lorsqu'il commença une réponse. Il aboutit à se trouver une excuse afin de s'évader. Il semblait très effrayé et perturbé. Le professeur sortit en essayant d'être le plus normal possible mais la psychologue entendit distinctement ses pas précités quand il sortit de son bureau. L'elfe entreprit d'abord de le suivre mais son intuition lui dictait qu'il valait mieux laisser Mr.Markovis se calmer et revenir de son plein gré. Et s'il ne revenait pas, elle irait alors le chercher.

Kali observa d'un oeil distrait la place où était auparavant le professeur puis un miaulement vint la troubler dans ses reflexions. Elle tourna la tête vers Malice :

- Qu'y a-t-il, vilain chat ? Tu as faim ? Ou soif ?

Le chat sauvage s'étala à terre et se mit à ronronner doucement. La psy' alla le caresser puis retourna à son bureau en attendant le retour de Martin.

Après son malaise, le professeur Markovis s'était retrouvé à l'infirmerie et, de fil en aiguille, il s'était encore une fois retrouvé à venir dans le bureau de la psychologue. Cette fois, il était mieux préparé mentalement puisqu'il n'avait plus, pour le moment, ses hauts et ses bas dans son comportement.

Il frappa quelques coups sur la porte puis, se sachant attendu, entra sans attendre la permission. Une fois dans le bureau il enchaina immédiatement:

"-Désolé pour la dernière fois, je... disons que je n'étais pas moi-même. Je sais que ça ne pardonnera pas mon comportement, mais je souhaitais tout de même m'excuser. J'ai pu vous observer et maintenant je comprend que vous n'êtes pas une psychologue comme les autres."

Martin savait qu'il ne pourrait repartir à zéro, mais il souhaitait au moins pouvoir montrer à la psychologue qu'il n'était pas une menace.

Kalimina entendit frapper à sa porte. Martin entra alors et parla. Elle l'écouta s'excuser en levant doucement la tête de ses dossiers. D'un geste, elle l'invita à s'asseoir. Il prétendait qu'elle n'était apparemment pas une psychologue comme les autres. Elle ne savait pas vraiment comment interpréter cela car elle n'avait jamais connu de psychologue, et encore moins des terriens. En fait, elle n'avait aucun diplôme, n'avait reçu aucun apprentissage dans le domaine, et pourtant, elle se retrouvait bien aujourd'hui, dans ce bureau confortable, à remplir ce rôle. Elle voulut rassurer son interlocuteur :

- Ne vous inquiètez pas, votre attitude ne me pose aucun problème. Après tout, je ne suis qu'une intruse dans la vie de gens. Vous aviez peut-être raison de me fuir tout à l'heure. A vivre depuis quelques temps avec une vampire, je vais peut-être commencer à mordre.

Elle lui sourit et continua :

- Mais si vous me racontiez la raison de votre trouble, tout d'abord ?

Instinctivement, Martin examina la salle afin de savoir s'il y avant un gorille caché quelque part, comme cela lui était déjà arrivé sur Terre. En général, c'était à son retour chez le psy que les choses se corsaient pour lui. Cependant, il ne trouva aucun agent de sécurité et ce détail le réconforta:

-Et bien, je ne sais pas trop. C'est plutôt flou comme sentiment, un peu comme une impulsion. J'ai alors une idée qui me passe en tête et elle y reste gravée jusqu'à ce que je fasse ce qu'elle me dit de faire. Parfois, ces idées peuvent aller très loin...

Le professeur montra alors sa main blessée qui affichait une longue strie dans la paume partant du haut du pouce jusqu'au bas du petit doigt. Par la suite Martin dévoila son bras, couvert de marques du genre en ajouta à voix basse et les yeux fuyants:

-Si ce n'était que de moi, je ne ferais pas ça. Mais je ne peux pas l'empêcher.

Le professeur inspecta la pièce du regard et sembla soulagé. Peut-être s'attendait-il à quelque chose. Il lui révéla un peu son problème. Il s'agisait d'une sorte d'impulsion, une intention se fixait alors dans sa tête et il se sentait obligé de l'executer. Il lui présenta alors l'exemple de la blessure qu'il avait à la main. Il lui montra aussi son bras, couvert de plusieurs cicatrices et marques. Il chuchota aussi que quelque chose l'y obligeait.

Kali semblait bien intriguée et il s'agissait d'un sacré problème. Enfin, au moins, pour une fois, elle avait un phénomène intéressant. Elle demanda à Martin :

- Mr.Markovis, je ne vous prends pas pour un fou. Mais, qui donc est ce l' ?

Elle le fixa droit dans les yeux.