Entretien de Maximum

Un peu plus tôt dans la journée, Maximum avait remarqué sur le panneau d’affichage une annonce qui l’avait faite, entre autres, copieusement râler: chaque nouvel élève était prié de se rendre expressément au bureau de la psychologue de l’école David Demoya dans le but d’un entretien avec cette dernière.
Au début, la jeune Drow pesta sans retenue; elle ne se souvenait pas avoir postulé à cet internat pour être la cible d’élucubrations philosophiques, et d’ailleurs outre le fait que ce n’était pas son domaine, elle détestait cela. Si c’était pour remuer des souvenirs pénibles avec des questions chiantes à souhait comme: « Alors ma grande, est-ce que tu t’intègre bien? » non merci, elle n’en avait pas besoin. Et si la psy avait besoin de savoir quelque chose sur elle, elle n’avait qu’à consulter son dossier d’inscription!

En colère et morose, Max déambula un peu dans les couloirs, s’arrêtant de temps à autre devant une fenêtre pour observer le paysage. Malheureusement, elle savait que tous les élèves sans exception étaient convoqués à cet entretien et qu’elle ne pourrait pas lui échapper très longtemps. Tôt ou tard, on viendrait la chercher pour qu’elle y passe, en la traînant de force si il le fallait. Non pas que cela lui déplaise. Une seconde, elle fut tentée de le faire, par pure provocation. Mais bon, plus vite elle serait débarrassée, mieux ça serait.

En plus, s’aperçut-elle soudain, ce serait peut-être l’occasion de se marrer un peu. De voir jusqu’ou irait la crédulité de la psychologue. Et sa tolérance. Max aimait bien effectuer ce genre de tests sur les gens: était-elle une bonne poire avec une voix gentille qui ne cesserait de lui débiter des âneries? On allait bien voir.
La jeune Drow se dirigea donc vers le troisième étage, se souvenant que l’infirmerie était située là-bas; après quelques erreurs d’orientation qui lui firent faire demi-tour, elle parvint finalement au bureau de la psychologue dont elle ignorait le nom et, voyant l’annonce apposée à la porte, frappa trois petits coups secs.

Kalimina, absordée par une lecture intense, sursauta soudain en entendant quelqu'un toqua sèchement à sa porte. Elle manqua de tomber. Elle reposa son livre, inerrogea Malice du regard qui semblait s'intéresser plus aux mouches qui volaient au-dessus de son nez que le reste. Kali secoua la tête. Au moins, lui, il savait s'occuper, même à des bêtises.

- Entrez ! cria l'elfe d'une voix neutre.

Si son chat ne grognait pas ou ne semblait pas s'intéresser à l'être qui se trouvait derrière la porte alors Kalimina ne devait pas s'inquièter. Normalement. Cette fois-ci, seraitun nouvel élève, un professeur ou n'importe quel personnel de l'Ecole ? Serait-ce le fantôme de Hugh Pelsofti qui planerait dangereusement au-dessus de la tête d'une Delora meurtrie ? Elle le redoutait mais en espérait très fort le contraire. La psychologue fixa la porte avec sérieux, appréhendant le visage qu'elle allait bientôt découvrir.

Elle rit sa liste des élèves et des personnels, certains étaient déjà coché pour être déjà venu ici, soit l'année dernière, soit cette année. Cette rentrée serait bien épuisante pour la pauvre Kali qui avait beaucoup de personnes à voir. puis il y aurait ceux qui devront passer quotidiennement, peut-être.

Quand la créature entra, elle demanda :

- Bonjour ! Quel est ton nom, s'il te plait ?

Entendant à travers le battant une fois féminine qui lui disait d’entrer, Maximum obtempéra et poussa le battant, se retrouvant dans une salle assez spacieuse et confortable. La première chose qu’elle remarqua, fut la présence d’un grand chat sauvage occupé à regarder des mouches; cela l’étonna, elle ne pensait pas voir des animaux dans cette école. Ensuite, son regard se posa sur la psychologue assise derrière son bureau et elle retint à grand peine une grimace.

Une elfe! On avait oublié de lui formuler ce léger détail! Aller devant une psy comme si elle avait des soucis mentaux était déjà pas mal saugrenu mais en plus, devant une elfe! Max détailla les yeux d’ambre, les ondulations qui tombaient en couches duveteuses sur les tempes de son visage fin. La mine renfrognée, elle entendit la femme la saluer et lui demander de se présenter.

Max pensa qu’elle aurait au moins pu se renseigner sur ses visiteurs, puisque visiblement elle allait en avoir beaucoup en peu de temps, ou au moins tenir prête une liste des élèves avec leurs profils. Mais bon, cela faisait peut-être partie de la démarche psychologique; après tout elle ne connaissait foutrement rien à ce domaine. Elle s’assit finalement sur la chaise en face du bureau, posa son sac à ses pieds et regarda la psychologue dans le blanc des yeux.

"Maximum Near" fit-elle enfin d’un ton neutre, sans agressivité ni gentillesse, mais ne se donnant pas la peine de répondre au « bonjour » de la psychologue.

Kalimina releva la tête et eut un léger hoquet de surprise. L’élève qu’elle recevait maintenant était une drow, la race ennemie des elfes. « Ouille ! Manquait plus que ça ! » La séance ne serait peut-être pas si paisible que prévu. Surtout que l’adolescente se présenta sans marque de politesse quelconque. Elle s’était enfin assise sur la chaise en face du bureau.

« Très bien, Maximum. Je suppose que ma race te dérange. Mais cette visite est obligatoire alors nous n’avons pas la choix. Autant l’une que l’autre. »

Depuis le début, la drow regardait la psychologue fixement. Kali, de nature à ne pas se laisser faire, surmontait ce regard mais ne se sentait pas moins outrée. Dans l’École, le respect était de rigueur, pourtant, élève ne semblait pas s’en soucier. Quoi qu’il en soit, l’elfe assumait pleinement sa race et l’opposition aux drows. Elle continua :

« Je pense donc que ton… »

Malice venait de sauter sur le bureau et glissant sur les feuilles, était descendu aussi vite qu’arrivé. « Voilà une glissade réussie !» Kalimina, en voyant cette comique, n’avait pu s’empêcher d’éclater de rire. Le chat sauvage lui adressa un regard noir, non ravi d’avoir raté son saut et d’être ridicule.

« Je disais donc que ton éducation s’est faite avec l’apprentissage de la guerre et tout qui s’y rapproche. C’est bien ça ? »

La psychologue ne cillait pas et soutenait fortement le regard de l’élève en face d’elle.